Ce rapport porte sur les violences sexuelles commises durant l’enfance et l’adolescence. A partir du récit de personnes victimes, témoins et de professionnel-le-s de terrain, nous étudions comment l’inceste se déploie concrètement dans des familles, quel est l'impact des violences pour les personnes victimes et comment le problème est traité institutionnellement, par les décideur·euse·s, par les magistrat·e·s et par les professionnel·le·s de première ligne ?
L’approche sociologique des trajectoires des personnes victimes permet de saisir les inégalités qui structurent l’occurrence et la répétition des violences sexuelles et ainsi de mettre à distance l’idée selon laquelle les personnes victimes porteraient, intrinsèquement et indépendamment de leurs appartenances sociales, une « nature » vulnérable. Intégrer des variables sociodémographiques au raisonnement et appréhender des rapports de domination fondés notamment sur l’âge, le milieu social ou le genre permet de mettre à distance un modèle explicatif centré uniquement sur une vision individualisée de la répétition des violences, mais aussi une lecture culturaliste de l’origine de ces violences.
L’approche centrée sur le territoire montre que les mécanismes de silenciation de la violence sont communs avec d’autres territoires mais semblent renforcés en Polynésie française, en raison du contexte géographique, social et institutionnel. Nous montrons en particulier comment les professionnel·le·s peuvent contribuer à ce silence et comment leur souci d’adaptation culturelle et les dilemmes moraux affrontés peuvent freiner la prise en charge du problème.