Nous ouvrons un contrat doctoral pour une durée de 3 ans dans le cadre du PEPR SoluBioD.
PRESENTATION DU PROJET DE RECHERCHE :
AMWI (Alternative integrated Management strategies of Watersheds in tropical Islands) est un living lab labellisé et soutenu par le PEPR SoluBioD (France 2030, PEPR piloté par le CNRS et l’INRAE), consacré à l’étude des Solutions fondées sur la Nature (SfN). Les SfN sont des approches de protection, restauration ou gestion des écosystèmes permettant de relever efficacement différents défis sociétaux et ayant des impacts positifs à la fois sur le plan social, environnemental, économique et sur la biodiversité. La France accueille des recherches de haut niveau sur la biodiversité, mais manque d’une communauté de recherche bien structurée pour relever les défis des SfN. Le programme national SoluBioD souhaite ainsi favoriser le développement d’une recherche innovante et ambitieuse sur les SfN, en tant qu’approches systémiques.
Le living-lab AMWI s’inscrit dans le 1er projet du PEPR visant à mettre en place un réseau français de living labs sur les SfN. Ces living labs ont pour objectif d’étudier et d’évaluer des SfN dans les territoires par le biais d’une co-construction entre scientifiques et parties prenantes.
En Polynésie française, AMWI a pour ambition de créer et d’animer une concertation multi-acteurs incluant des chercheurs issus des sciences humaines et sociales et des sciences du vivants, des acteurs du monde associatif, les administrations territoriales et les collectivités locales afin de co-construire des SfN répondant à des enjeux sociétaux prioritaires (érosion de la biodiversité terrestre, dégradation des rivières et milieux récifo-lagonaires, dépendance alimentaire du territoire) relatifs à la gestion des socio-écosystèmes insulaires. L’originalité du projet réside dans l’échelle à laquelle les travaux de recherche-action seront menés, celle du bassin versant par le biais d’une approche « Ridge to Reef ». Le projet s’articule à un projet de Zone Atelier en Polynésie française.
Les travaux du/de la doctorant.e s’intégrera et s’appuiera également sur le réseau des doctorants du PEPR Solu-BioD. Ce large réseau, intégrant les onze living-lab de Solu-BioD, permettra de faciliter les échanges entre les doctorant.e.s s’intéressant aux SfNs, avec des approches systémiques, multi-échelles, inter- et trans-disciplinaires de manière à créer une communauté de recherche prête à relever les défis des SfNs en termes de sciences, de mise en application et de politiques publiques.
LE PROJET DE THESE :
Porté par la Maison des Sciences de l’Homme dans le cadre du living-lab AMWI dont elle est partenaire, le projet de thèse – situé à la croisée de l’anthropologie de l’environnement, de la géographie humaine et des sciences politiques – propose de définir comme objet de recherche socio-anthropologique l’aménagement et l’usage, passés et contemporains, des rivières de Tahiti en Polynésie française. Les travaux du/de la doctorant.e viendront alimenter les processus de concertation, engagés dans le cadre du living-lab, afin d’appuyer la co-construction de SfNs destinées à atténuer la dégradation de l’état de santé des rivières et des zones humides associées.
Dans un contexte d’artificialisation des milieux, d’urbanisation croissante et de reconfiguration territoriale (e.g. industrialisation et résidentialisation des vallées et plaines côtières), l’aménagement des rivières (et même, plus largement, des zones humides) à Tahiti se situe au cœur de stratégies et de politiques publiques contradictoires. D’une part, les préoccupations relatives à la protection des personnes et des biens produisent des cadres d’intervention visant à ‘dompter’ et ‘domestiquer’ les rivières par le biais d’ingénierie technique (e.g. bétonnage, curage) dont les objectifs sont de limiter les risques de crues et d’inondations. Bien que moins répandus, les projets de développement d’énergie hydroélectrique dans plusieurs vallées sont tout aussi impactants. De l’autre, ces processus d’artificialisation suscitent des actions et des politiques de conservation des rivières en tant qu’objet patrimonial aussi bien biologique que culturel.
La thèse s’inscrit dans un projet de recherche-action visant à co-concevoir, déployer et tester des méthodes alternatives d’aménagement des rivières (Solutions fondées sur la Nature). En cela les travaux doctorants viseront à garantir que ces processus de co-construction de SfNs tiennent compte de la spécificité des contextes socio-culturels et des visions potentiellement plurielles des socio-écosystèmes envisagés et de leur état de santé. De plus, les travaux permettront d’identifier les principaux enjeux sociétaux, économiques et écologiques auxquels les SfNs envisagées devront répondre. Il sera aussi attendu du doctorant.e d’adopter une démarche analytique critique de ces approches ainsi que des débats et controverses entourant le devenir des rivières de Tahiti et leur aménagement. L’analyse de ces productions discursives – qu’elles soient explicitées par des gestionnaires, membres d’associations ou riverains – et des dispositifs d’actions qui y sont liés offrira une porte d’entrée pour interroger ethnographiquement les relations qu’entretiennent les sociétés polynésiennes avec les rivières et les environnements associés. Un préalable nécessaire avant d’espérer pouvoir co-construire des SfNs répondant à des enjeux sociaux, économiques et écologiques.
Loin de constituer des espaces déshumanisés, les rivières sont, dans la culture polynésienne, dotée d’une agentivité, animée par des puissances surnaturelles et au cœur des récits fondateurs et mythologiques des groupes socio-politiques associés aux bassins versants qu’elles traversent. Une telle connexion spirituelle entre les communautés et ces espaces fut reconnue en 2017 par le parlement néo-Zélandais qui accordait pour la première fois une véritable personnalité juridique au fleuve Whanganui, dont les droits et intérêts peuvent dorénavant être défendus devant la justice. Par ailleurs, l’usage des rivières polynésiennes s’inscrit dans une histoire longue, puisque les anciens Polynésiens ont à la fois détourné des cours d’eau et aménagé des berges dans des objectifs de développement horticoles partiellement documentés par l’archéologie. Les rivières étaient aussi – et sont toujours dans de nombreux cas – des lieux de socialisation, d’activités récréatives, de fourniture de produits vitaux (eau potable et ressources alimentaires). Cependant, dans de nombreuses zones de Tahiti, les rivières sont devenues l’objet de crainte et conçues comme des sources de danger (e.g. risques sanitaires – leptospirose, risques d’inondations).
Dans une perspective diachronique et à partir d’un ou plusieurs cas d’étude à définir, il s’agira de comprendre comment les transformations territoriales, économiques et sociales récentes ont participé à et continuent de transformer et reconfigurer les manières par lesquelles les populations polynésiennes utilisent, pensent et agissent sur les rivières et l’ensemble des organismes et/ou entités non-humaines qui les habitent. En tant que lien évident entre les espaces terrestres et lagonaires, il est attendu que l’analyse des rapports techniques, sociaux et politiques aux rivières mette en lumière la façon dont les sociétés polynésiennes pensent leur environnement, leurs territoires et plus particulièrement la notion de ‘continuum terre-mer’. Il a longtemps été affirmé que cette continuité est au cœur des manières polynésiennes de penser l’espace. Cependant, peu d’études ethnographiques ou d’éléments empiriques permettent, aujourd’hui, d’en faire la démonstration. La thèse aura ainsi pour objectif d’interroger la manière dont de telles représentations peuvent s’exprimer au travers i) des savoirs écologiques locaux relatifs aux cycles vitaux qui animent les rivières et les organismes qui y habitent, ii) mais aussi des façons – contemporaines et anciennes – d’occuper, d’aménager et d’habiter les vallées.
Sur quels fondements sociaux et culturels reposent les processus de patrimonialisation des rivières ? Les politiques de préservation des rivières cherchent-elles – au-delà de leur logique écologique – à s’inscrire dans une certaine continuité culturelle des rapports anciens qu’entretenaient les sociétés polynésiennes avec ces milieux ? Comment la dégradation écologique des rivières et/ou les bouleversements récents des modes de vie ont-ils impacté l’utilisation des espaces et ressources ripariennes ? Les modes de gestion ou d’aménagement passés des sociétés polynésiennes peuvent-ils être source d’inspiration pour la mise en place de SfNs répondant aux enjeux contemporains auxquels font face les socio-écosystèmes polynésiens ? Il s’agit là, d’autant de questions que le ou la candidat.e pourra choisir de développer dans le cadre du projet de thèse.
PROFIL :
- Diplôme de master 2 s’inscrivant dans l’une des disciplines suivantes : anthropologie, géographie humaine, sociologie
- Analyse de données archivistiques et de la littérature couvrant de multiples champs
- Capacité à se saisir et à comprendre les résultats de travaux archéologiques
- Expérience souhaitée dans la conduite de terrain ethnographique (entretiens semis-directifs, observation participante) et capacité à interagir avec une variété d’acteurs (institutionnels, associatifs…)
- Goût pour l’interdisciplinarité et capacité à dialoguer avec des chercheurs des sciences du vivant
- Une connaissance préalable de terrains océaniens serait appréciée
- Capacité à utiliser des outils informatiques de traitement des informations spatiales (e.g. SIG) serait un plus
Date limite de candidature : 18 août 2025
Début du contrat : octobre / novembre 2025
Laboratoire basé à Tahiti, Polynésie française